lundi 26 mars 2012

Vendredi 16 septembre 2011. Le soir où tout a commencé...

J'ai pris le métro jusqu'à la station Bagatelle et suis arrivé à la Galerie Irrigua en avance, vers 21h25 ; bien que l'heure indiquée sur l'invitation était 21h30, le discours et le buffet ne démarreraient qu'à 22h00, histoire de laisser le temps à tous les invités d'arriver : J'en ai donc profité pour visiter la première salle, consacrée aux œuvres d'artistes contemporains plus ou moins abstraites. Je remarque parmi les invités une femme qui me fait beaucoup penser au mannequin Aurélie Cartier, l'égérie d'une grande marque de lingerie ; mais le fait qu'elle soit habillée m'empêche d'être sûr à 100% de son identité (on a plutôt l'habitude de la voir en sous-vêtements ! ^^). Je remarque aussi la présence du célèbre homme d'affaires Ethan Gils (le fondateur de G SYSTEM). Il y a aussi des journalistes de VTV (Violettes Télévision, la chaîne locale) qui sont là pour filmer l'évènement.

À 22h, le rideau séparant les deux salles de la galerie s'ouvre, et on nous invite à rejoindre le lieu de l'expo gallo-romaine. Au fond de la salle se tiennent deux hommes, un aux cheveux blancs habillé élégamment, et un d'une trentaine d'années habillé de manière plus décontractée et portant des lunettes ; dans leur dos un rideau rouge dissimule ce qui sera visiblement la pièce maîtresse de l'exposition.
L'homme aux cheveux blancs prend la parole [le texte qui suit a été retranscrit en se basant sur le reportage de VTV, je n'aurais pas pu ressortir tout ça de tête ! ] :
« Bonsoir à tous ; merci d'être venus si nombreux à cette exposition. Je suis Charles Tinople, professeur d'archéologie à l'U.T.O. En 1990, lors de la construction du métro, des vestiges gallo-romains datant du IVème siècle ont été mis à jour entre ce qui allait devenir les stations Esquirol et Capitole. C'est moi qui ai été chargé de diriger les fouilles à l'époque, et une partie des objets trouvés là-bas a depuis été exposée au Musée Sainte-Raymonde. Néanmoins toutes nos découvertes n'ont pas été présentées au public en raison de leur état délabré. »
Charles Tinople désigne d'un mouvement de main l'homme à lunettes qui se tient à ses côtés :
« Il y a trois ans, mon assistant Alain Drachon ici présent s'est lancé dans un projet titanesque : Restaurer une peinture murale de 2 mètres sur 5 dont il ne restait que plusieurs centaines de morceaux éparpillés. Un impressionnant travail de patience dont vous allez pouvoir apprécier le résultat dans un instant... »
Alain Drachon prend la parole :
« Bonsoir. En 2008, quand j'ai été nommé assistant de M. Tinople, ce dernier m'a chargé de faire l'inventaire des objets qui avaient été trouvés lors des fouilles de 1990 ; c'est comme ça que j'ai découvert les pièces d'un immense puzzle que personne n'avait jusqu'à présent tenté de reconstituer ; à l'origine, la reconstitution de cette fresque n'était qu'un passe-temps auquel je m'adonnais durant mon temps libre, et je n'étais pas sûr de la mener à terme. Après tout, rien ne me garantissait que toutes les pièces du puzzle étaient en notre possession. Mais au bout de quelques mois, au vu des résultats obtenus, Charles m'a vivement encouragé à poursuivre dans cette direction et m'a à cet effet accordé le temps et les moyens dont j'avais besoin : À l'aide d'un logiciel de modélisation 3D, nous avons pu identifier quels morceaux étaient associés ensemble, et nous avons fini par reconstituer 92% de la fresque. Cependant le résultat était difficilement montrable : Outre les pièces manquantes, de nombreuses zones étaient tellement abimées que la peinture avait été effacée. Nous avons alors pris la décision de demander à une équipe de spécialistes en restauration d’œuvres d'art d'arranger la fresque, en lui redonnant ses couleurs d'origine, en redessinant les parties qui n'étaient plus visibles qu'aux rayons X, et en extrapolant les zones manquantes. Et après de longs mois de travail, nous sommes enfin en mesure de vous montrer le résultat. Charles, je vous en prie... »

Charles Tinople tire le rideau et dévoile la fresque ; cette dernière représente un pré verdoyant à l'orée d'un bois aux arbres majestueux ; sur le côté gauche se trouve une femme blonde, visiblement en colère, qui pointe son doigt en direction d'un groupe d'hommes équipés de haches situés sur le côté droit ; ces derniers semblent se faire attaquer par des plantes qui s'enroulent le long de leurs jambes, entravent leurs bras, et les étranglent : certains sont encore en train de lutter, tandis que d'autres gisent sur le sol. Alors que les traits des bûcherons sont plutôt grossiers, ceux de la femme témoignent au contraire d'un certain souci du détail et contribuent à lui donner une aura divine ; le choix des couleurs renforce cette impression.

Charles reprend la parole :
« Nous ne sommes pas en mesure de donner une interprétation définitive de cette œuvre ; d'après Alain, il s'agirait de la déesse de la terre Tellus qui punirait les hommes pour avoir osé saccager la nature ; personnellement je doute que les hommes de cette époque aient eu ce genre de préoccupations écologiques, leur impact sur l'environnement était bien moindre que le notre à l'heure actuelle... Je pense plutôt qu'il s'agit de la déesse de l'agriculture Cérès punissant des hommes qui n'auraient pas respecté son culte : Peut-être ont-ils abattus un arbre sacré ? À moins qu'ils aient négligé de lui faire une offrande avant d'aller abattre des arbres... Cependant rien ne permet de départager nos deux hypothèses, et même mon éminent confrère Adonis Cartier ici présent, professeur en Histoire Antique à l'U.T.O., n'a pu se prononcer... »

Cartier ! Je ne m'étais pas trompé, il s'agissait bien d'Aurélie Cartier ! Et l'homme à ses côtés, que Charles Tinople vient de désigner, est donc son mari.

« C'est d'autant plus difficile que les deux déesses possèdent de nombreux attributs en commun, et qu'elles ont fini avec le temps par être assimilées l'une à l'autre. »
« Merci Adonis pour ces précisions. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un œuvre magnifique que nous n'aurions jamais pu admirer sans le travail et l'acharnement d'un groupe de personnes passionnées, à savoir Alain et l'équipe des restaurateurs ! Je vous demande de les applaudir bien fort. »
Alain reprend la parole :
« Merci, merci. Je sais que vous avez tous faim, alors je vais faire bref pour conclure : En plus de la fresque, vous trouverez de nombreuses autres pièces antiques exposées dans cette salle, ainsi que des œuvres contemporaines au niveau de l'entrée... et, bien évidemment, de délicieux petits-fours qui vous attendent sur les tables ! Allez, je vous souhaite à tous une bonne soirée ! »

Manger ! Enfin !

Tout en dégustant quelques bouchées aux garnitures diverses et variées (et pas toujours reconnaissables), je jette un œil aux divers objets présentés : Des pièces de monnaie, des amphores, des statuettes... Un objet en particulier attire mon attention : Un masque d'argile portant un papillon sculpté sur sa joue droite. D'autres élèves de ma classe admirent l'objet, et Mme Tinople finit par s'approcher de nous et nous explique qu'il s'agit d'un masque de théâtre grec antique dont la présence dans une ville gallo-romaine témoigne des nombreux échanges culturels qui avaient lieu à l'époque. Mais alors qu'elle voulait nous apprendre le mot latin qui sert à désigner ce type de masque, elle est victime d'un trou de mémoire et finit par y renoncer. À propos de théâtre, deux filles de ma classe évoquent l'ouverture prochaine des clubs du lycée, la dernière semaine de septembre.

La soirée passe relativement vite : Je me balade d'une salle à l'autre, discute avec mes camarades de classe, retourne plusieurs fois me resservir en petits-fours, et lorsqu'on nous annonce que la galerie fermera à minuit il est déjà 23h30 (je n'avais pas réalisé qu'il était si tard).

Je fais un dernier tour, et me dirige sans hâte vers la sortie. Il est minuit moins le quart quand je pénètre dans la station Bagatelle, et je n'ai pas à attendre bien longtemps que le métro arrive. Au moment où les portes se referment, je remarque qu'Aurélie Cartier et son mari sont entrés dans la même rame que moi ; ce ne sont d'ailleurs pas les seuls visages familiers : De nombreux invités de l'exposition sont présents, dont quelques camarades de classe.

Les stations s'enchainent : Mermoz, Fontaine-Lestang, Arènes, Patte-d'Oie, St-Cyprien-République...

Nous arrivons à Esquirol ; Ethan m'a appris plus tard qu'il avait initialement prévu de descendre à cette station pour rentrer directement chez lui (plutôt que de faire la correspondance à Jean-Jaurès pour aller aux Carmes), mais qu'il s'était ravisé en voyant monter un charmant jeune homme... S'il avait su...

Parmi les nouveaux venus dans la rame, il y a aussi un type qui utilise son téléphone portable comme une radio et nous fait profiter de ses goûts musicaux pitoyables ; le volume est fort, la musique mauvaise, j'ai hâte de descendre.
Non mais quelle idée d'avoir installé la 3G dans le métro ?! Je ne félicite pas Filéo !
[note pour les non-toulousains : Filéo est le nom de la société des transports responsable du réseau bus-métro-tram. ]

Une succession de boom-booms et de chants autotunés, puis la voix de l'animateur radio : « Bonsoir chers auditeurs, il est mi... »




Plus rien.

Silence. Obscurité. Immobilité. Tout semble s'être éteint : La radio, la lumière, le métro.


La lumière revient au bout de quelques secondes, une lumière verdâtre tout aussi surnaturelle que la scène qu'elle me permet de contempler : À l'exception de cinq personnes (le mari d'Aurélie Cartier, un élève de ma classe appelé Samir, Ethan Gils, une jeune fille aux longs cheveux bruns, et moi-même), tous les occupants du métro sont remplacés par des silhouettes noires masquées complètement immobiles ! Il y a des taches rouges (du sang ?) sur le sol et les murs. L'avant de la rame est comme arraché et donne directement sur la voie.

La jeune fille pousse un hoquet de surprise, mais se ressaisit et garde son calme.
L'un de nous, je ne sais plus qui, prononce à haute voix la question que nous nous posons tous : « Qu'est-ce qui se passe ? »

Samir se rapproche d'Ethan, qui vérifie méthodiquement tous ses appareils électriques : Montre, téléphone portable, tablette... Aucun ne marche. Pas plus que ma montre, ou le bouton d'appel d'urgence du métro. Nous sommes bien éclairés par les panneaux lumineux de la rame, mais il s'agit plutôt d'une étrange lueur phosphorescente, et non d'une véritable lumière électrique.

Adonis Cartier fixe la silhouette de ce qui était il y a encore quelques secondes sa femme ; alors qu'il l'agrippe pour la secouer dans l'espoir de la réveiller, ses doigts s'enfoncent dans la substance noire et gélatineuse qui lui sert de corps : Adonis a un violent mouvement de recul, comme s'il avait reçu une décharge électrique ; des larmes coulent d'elles-mêmes le long de ses joues, et il nous raconte qu'il a été assailli par une multitude d'émotions négatives au contact de cette chose : Peur, colère, désespoir...

Ne voyant pas quoi faire d'autre, nous décidons de sortir de la rame et de regagner à pied la station suivante ; Adonis est réticent à l'idée de quitter sa femme, mais nous finissons par le convaincre de venir avec nous.

Nous marchons quelques minutes et arrivons à la station Capitole ; les portes automatiques qui séparent les quais des rails sont fracassées, nous en traversons les débris en tâchant de ne pas nous blesser avec les éclats de verre.

Il y a d'autres silhouettes masquées sur les quais, tout aussi immobiles. Par curiosité, Ethan décide d'en toucher une et a le même mouvement de recul qu'Adonis : Il confirme que la sensation n'est en effet pas agréable.

Nous montons les escaliers et atteignons l'étage supérieur, avec ses bornes d'achat de titres de transport et ses tourniquets. Bonne nouvelle, il n'y a aucune silhouette noire ici. Mauvaise nouvelle, on a droit à de nouveaux détails pas plus rassurants : Les murs sont tapissés de plantes grimpantes, de longues racines perforent à plusieurs endroits le plafond de la station, et toujours cette lueur verdâtre et ces taches rouges qui ne font qu'accentuer notre sentiment de malaise.

Nous sommes pressés de regagner la surface, mais alors que nous nous dirigeons vers la sortie, des racines et des lianes s'étirent vers nous et s'enroulent le long de nos jambes et de nos bras ! Nous entendons du bruit en provenance de l'étage inférieur, et voyons trois silhouettes masquées monter lentement les escaliers. Elles peuvent donc bouger !!! La fille pousse un cri.

Une fois en haut des escaliers, le corps de ces créatures semble se liquéfier jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un tas de matière noire et visqueuse duquel émerge deux bras et sur lequel est posé un masque. La transformation opérée, les créatures continuent leur avancée dans notre direction ; la fille pousse un cri encore plus fort que le précédent.


[Désolé, pas le temps d'en écrire plus aujourd'hui, j'ai une dissert de philo à rendre cette semaine. La suite très bientôt... ]

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